Une question de perception
Au départ de nouveaux projets sur des emballages flexibles en général, et sur des doypacks personnalisés en particulier, il n’est pas rare que la question se pose. Doypack plastique ou doypack kraft ?
Cosmétique en poudre ou en liquide, produits ménagers, fruits secs, épices, thé et café, produits frais, céréales.. Cette question concerne de nombreuses applications. D’ailleurs, elle se pose aussi bien pour les grandes que pour les petites séries :
Le doypack kraft bénéficie d’une image plutôt favorable. Il y a deux raisons à cela.
La première concerne l’image plutôt sympathique et écologiquement vertueuse du kraft, qui évoque la naturalité et bénéficie d’un halo de représentation positif. Le consommateur final, et il n’est pas à blâmer, l’assimile au papier, donc aux forêts, donc à une ressource naturelle (et renouvelable) qui n’engendre pas de problèmes de recyclage particuliers, – en tout cas, pas ceux des plastiques -, qui n’interroge pas sur les conséquences à moyen et long terme de leur prolifération, et n’est pas irréversiblement extraite, lors de sa transformation, d’une sorte de cycle naturel.
La seconde tient au fait que le doypack kraft affiche généralement, en cohérence avec cette image écologiquement vertueuse, la possibilité d’être recyclé. Plus précisément, on dit qu’il est éligible au recyclage.
Le doypack plastique est en revanche quant à lui en … plastique. Il est d’ailleurs parfois difficile pour le non-initié de bien faire la distinction entre un doypack plastique non recyclable (multicouche, multimatériau) et un doypack plastique recyclable (multicouche, monomatériau), à cause de la méconnaissance de la signification des logos.
C’est la raison pour laquelle Ubipack conseille de communiquer de façon claire sur la recyclabilité des doypacks plastique, le cas échéant.
Enfin, entre un doypack plastique et un doypack kraft, il y a parfois des confusions. Certains doypacks plastique, avec ou sans vernis, imitent le kraft, sans pour autant contenir un seul gramme de kraft. Alors, que faut-il en penser ? Est-ce du green washing ? Qui croire et comment se repérer ?
En échangeant avec des experts du post consumer et en sortant nos calculettes, il apparait que, avant de faire des choix, il est préférable d’en savoir un peu plus sur le sujet.
Poids et composition des doypacks kraft vs doypacks plastique
Les doypacks sont façonnés à partir de bobines de films flexibles.
Au niveau des soufflets de fond et des goussets, les films sont repliés sur eux-mêmes et thermoscellés, avec un premier objectif, essentiel : garantir l’étanchéité sur toutes les zones de scellage, et réduire à une proportion proche de 0, les risques de fuitées, les échanges gazeux avec l’extérieur et les problèmes de conservation.
De ce fait, tous les doypacks comprennent une couche de plastique, qui permet le façonnage, et assure la conservation, voire la barrière. Pour certaines applications peu sensibles, il est possible de réaliser des doypacks avec une enduction (coating) assez réduite, voire très réduite. Celle-ci joue un rôle ponctuel de protection contre la graisse et la moisissure. Pour autant, elle ne permet pas de conserver les produits agro-alimentaires dans le temps.
Mais prenons un doypack de dimensions standard, un doypack 250 gr. de dimensions 140 x 210 mm.
- s’il est en « kraft », il pèse environ 8 à 9 grammes
- s’il est en « plastique », il pèse environ 8 à 9 grammes aussi
Dans l’immense majorité des cas, il sera pourtant constitué de :
- pour un doypack plastique, 100% de plastique
- pour un doypack kraft, 51% de kraft et 49% de plastique
Un doypack 250 gr. kraft comprend en moyenne 4 grammes de plastique (base de calcul : kraft 60 gr / PE 40 µ).
A quoi sert le plastique dans un doypack kraft ?
Le plastique répond à plusieurs exigences essentielles :
- garantie du contact alimentaire
- thermoscellage
- étanchéité, conservation
En outre, voici ce qui se passe – on a déjà essayé, bien sûr -, si on réduit l’épaisseur de la couche plastique sous un certain seuil :
- le doypack manque de rigidité, ne tient plus debout
- le doypack se déchire sur les lignes de conditionnement
- on ne peut pas placer le zip, pour la refermeture
- des risques de fuitées apparaissent
Certains transformateurs ne proposent même pas des structures bicouche kraft / PE, les jugeant trop fragiles et peu sûres.
Un doypack kraft se compose donc en réalité de deux couches, une couche kraft et une couche plastique. Et c’est le plastique qui assure la partie fonctionnelle du doypack.
Doypack kraft, doypack plastique, recyclabilité et recyclage
Les doypacks plastique sont recyclables et recyclés en filières PE en France pour les emballages souples. Ces filières existent. Des investissements sont en cours.
Bien sûr, il demeure des problèmes. On ne peut pas recycler le plastique à l’infini. Se pose aussi la question des microparticules de plastique, dont on ne connait pas aujourd’hui le réel impact sur la santé. Mais l’incinération et le recyclage représentent à eux deux aujourd’hui en Europe 75% de la fin de vie des emballages plastiques (source : Plastics Europe 2020).
Les doypacks kraft sont quant à eux conformes à la législation sur le recyclage en France aujourd’hui dès lors qu’ils comportent plus de 51% de leur poids total en kraft.
Pour les raisons exposées plus haut, une évolution réglementaire est à l’étude : accorder l’éligibilité au recyclage dès lors qu’ils comportent plus de 80% de kraft dans leur poids total, pas moins. Cela reviendrait à aligner la réglementation sur les pays d’Europe du Nord. Cela signifierait aussi qu’il y aurait beaucoup moins de doypacks kraft réputés recyclables dans nos linéaires…
Le recyclage, comment ça se passe en vrai ?
Un doypack plastique passe dans la filière de tri PE.
Les emballages flexibles plastique les moins vertueux, composés de plusieurs plastiques différents, et donc non recyclables, sont quant à eux incinérés.
Un doypack kraft passe dans la filière de tri papier / carton. Il est mouillé, chauffé et mélangé dans un pulpeur. Si dans un cycle on extrait une proportion significative de la pâte, le plastique, plus léger ayant tendance à remonter, on s’accorde à dire qu’il est recyclable.
Cela soulève donc plusieurs problèmes :
- le tri automatique vers la filière papier / carton ne va pas de soi. Il y a une chance sur deux que le doypack kraft aille dans une autre filière, à cause de sa double structure kraft / plastique.
- on ne recycle vraiment au mieux que 80 à 90 % de la pulpe (le kraft). En respectant le temps de cycle et avec des machines performantes.
Mais il y a plus grave : les résidus de ces cycles de repulpage ne sont pas incinérés mais enfouis, car ils sont humides. Dans le cas des doypacks kraft, on finit donc par enfouir dans la nature des résidus de doypacks. Or, ceux-ci représentent encore près de la moitié de leur poids initial en moyenne, et sont composés de beaucoup de plastique…
Sachet 100% recyclable ? Eco-conception ou eco-perception ?
Cette problématique n’est pas propre aux doypacks kraft et plastique. On la retrouve sur beaucoup de flexibles en bobines ou de sachets pré-formés.
Les consommateurs finaux sont un peu perdus, à juste titre, face à cette relative complexité.
Les transformateurs et industriels de l’agro-alimentaire ou de la cosmétique ont un rôle très important. Ils doivent faire les bons choix en terme d’éco-conception. Ils doivent arbitrer entre les différents critères. Cela implique de ménager contraintes industrielles et exigences fonctionnelles, demandes de la grande distribution et impératifs de rentabilité, etc…
L’exercice est difficile mais nécessaire, et heureusement, beaucoup le font.
En outre, la nécessité de produire des emballages plus respectueux de l’environnement, à tous les points de vue, a des effets retors. Il arrive aussi que certaines entreprises cèdent aux sirènes d’une communication pour le moins audacieuse, pour ne pas se laisser distancer ou gagner des parts de marché. Elles sont souvent de bonne foi, certainement. Mais cela contribue à brouiller davantage les cartes auprès des consommateurs, et accroître une forme de défiance généralisée.
Il me revient aussi une remarque que m’a livrée récemment la directrice développement / innovation d’une grande marque de cosmétique : « nous souhaitons aller vers le kraft, parce que c’est ce que nos clients veulent ». On n’a pas le temps de faire l’éducation des consommateurs, comme je l’entends aussi parfois dire. Faire des choix à rebours du marché, c’est compliqué. Des choix que les consommateurs finaux ne comprendraient pas, et qui seraient donc immédiatement sanctionnés.
L’argument est un peu court. Entretenir les fausses représentations des consommateurs n’est pas forcément payant à long terme. Cette remarque illustre précisément le point d’inflexion où se porte la responsabilité (ou son absence) de nos clients. Les industriels de l’agro-alimentaire, de la cosmétique, sont des metteurs en marché d’emballages. Cela les amène à réfléchir à l’impact environnemental de leurs packagings. Cela les amène également à évaluer les différents critères (critères industriels, tarifaires, marketing, fonctionnels, et environnementaux), pour arrêter leurs choix.
Au delà de la valorisation bien compréhensible de leurs filières respectives, les syndicats interprofessionnels, Cerec pour la filière papier / carton, Cotrep pour la filière plastique, ont sans doute aussi un rôle à jouer dans l’information sur les procédés réels de recyclage à l’oeuvre dans leurs filières.
Lors des développements de nouveaux produits, notre rôle est de commercialiser in fine des emballages. Mais il est aussi de conseiller nos clients au mieux dans ce cadre, et de leur donner des éléments d’information concrets et actualisés, afin qu’ils soient en mesure de faire des choix cohérents sur le long terme.
C’est tout l’enjeu comme le résume très bien Arnaud Le Berrigaud, du choix de l’éco-conception, contre celui de l’éco-perception.
Et cet exemple des doypacks nous en semble une très bonne illustration.